Le taille-haies de la compassion
Mon cher et tendre a eu, un jour, une grande ambition : dominer la haie du jardin. Pour ça, il a acheté un taille-haies. Pas un petit modèle discret, non. Un monstre. L’arme fatale de tout jardinier qui veut faire peur à la végétation.
Il l’a utilisé une fois. Une. Pour une haie haute comme un enfant de maternelle. Et puis soudain, révélation : « En fait, c’est un peu surdimensionné, non ? »
Je lui suggère donc de vendre l’engin sur le Marketplace de Facebook.
Évidemment, devinez qui rédige l’annonce ? Celle qui sait bien manier les mots » Donc, moi.
Quelques jours plus tard, message d’un monsieur intéressé. Rendez-vous pris pour qu’il vienne chercher l’engin.
Le jour J, monsieur arrive, tout sourire, et commence à discuter taille-haies avec mon cher et tendre. Puis il me remarque (et oui, je suis dans un fauteuil, surprise !) et là… c’est parti pour le grand numéro de l’empathie maladroite.
– « C’est vous qui avez mis l’annonce ? » – « Vous avez un appartement super bien adapté pour le fauteuil ! » – « Ça doit pas être facile, hein ? » – « C’est une sacrée aventure, une vie comme ça ! » – « Faut être forte et garder le moral surtout ! »
Et là, moi, intérieurement : Attends… Je vends un taille-haies, pas ma biographie.
Honnêtement, il était gentil, hein. Vraiment. Sincère. Mais ce genre de moment me fait toujours sourire. Comme si les gens, face au handicap, se transformaient en coachs de vie improvisés : « Allez, championne, on ne lâche rien ! »
Mais je n’ai pas mérité une médaille, j’ai juste accepté ma vie. Comme tout le monde fait avec la sienne, fauteuil ou pas.