Elle grandit… et moi aussi
Ce soir-là, dans le préau de l’école, j’étais une maman comme les autres. Une maman un peu émue, un peu fière, un peu nostalgique. Et aussi une maman en fauteuil roulant.
Quand ma fille est montée sur scène avec sa classe de CM1, j’étais émue. Elle semblait si grande, si joyeuse, si entourée. Elle avait le sourire de ceux qui savent qu’ils sont à leur place. Et moi, en la regardant, je voyais ma réussite.
Elle était à l’aise, confiante, expressive. Il faut dire qu’avec deux années de théâtre dans les jambes, elle commence à bien connaître la scène. Tout le monde la félicite pour ça. Et bien sûr, je suis fière. Mais ce qui me bouleverse encore plus, c’est de la voir grandir. D’un coup, je ne voyais plus une petite fille… mais une enfant qui devient doucement quelqu’un d’autre. Quelqu’un qu’elle construit jour après jour.
Et puis, j’ai eu une pensée douce-amère : “Si on m’avait dit, il y a dix ans, que je deviendrais la maman de cette petite fille…” Franchement, je n’y aurais pas cru. Pas parce que je n’en rêvais pas, mais parce qu’à l’époque, je n’osais pas y croire. Trop d’incertitudes, trop de peurs, et cette fameuse impression que la maternité, ce n’était peut-être pas pour moi.
J’ai toujours voulu un enfant. Mais en fauteuil tout est tellement compliqué, différent et incertain.
Mais voilà. Dix ans plus tard, j’étais là, devant cette scène, mon cœur débordant d’amour et d’étonnement.
Être maman, ce n’est pas toujours simple. Être maman en fauteuil, ça vient parfois avec des couches supplémentaires de complexité, de fatigue, et, osons le dire, de doutes. Mais ce soir-là, en voyant ma fille sur scène, heureuse, épanouie, bien dans ses baskets, je me suis sentie forte. Légitime. Normale.
J’ai pensé à mes propres souvenirs d’école primaire. À cette école spécialisée où j’ai grandi jusqu’à mes 8 ans, aux couloirs trop grands, aux classes un peu à part. Rien à voir avec le joyeux désordre de ce spectacle de fin d’année. Là-bas, je n’avais pas cette légèreté.
Ma fille, elle, l’a. Et ça me bouleverse de gratitude.
Je suis bien accueillie, aussi. Pas de malaise, pas de gêne. Juste des échanges entre parents, autour d’enfants qu’on voit grandir trop vite.
Alors oui, ma fille grandit. Elle a déjà cet air indépendant qui pique un peu le cœur. Mais moi aussi, je grandis avec elle. Et ce soir là, j’ai su que ma place, je ne l’avais pas volée. Je l’ai construite, jour après jour. Et ça, c’est ma petite victoire.