Handicap et humour : l’arme secrète pour survivre à l’absurde
Il y a deux façons d’affronter les absurdités de la vie quand on est en situation de handicap : pleurer… ou rire. Personnellement, j’ai opté pour la deuxième. D’abord parce que ça ne tache pas les joues comme le mascara quand tu pleures. Ensuite, parce qu’il y a un réservoir inépuisable de situations comiques dans la vie en fauteuil roulant.
Exemple numéro un : le jour où une dame m’a abordée à un arrêt de tram pour me demander :
« Comment vous faites pour supporter de rester assise toute la journée ? Quel courage !
Ouais, en fait, j’étais juste en train d’attendre mon tramway. Je n’avais pas demandé d’aide, encore moins de bénédiction. J’avais simplement un rendez-vous et j’étais pressée.👩🦼😂
Ou encore : le jour où un agent de sécurité m’a stoppée net à l’entrée d’une grande surface.
— Madame, les chiens sont interdits.
— C’est un chien d’assistance, monsieur. Il est autorisé partout avec moi.
Il me regarde, perplexe. Il hésite. Me jauge. Comme si je pouvais inventer un chien d’assistance grandeur nature, harnaché d’une cape jaune et bleue officielle, juste pour pouvoir entrer et acheter des biscuits.
Et voilà qu’il appelle son supérieur, presque fier de son zèle.
Le chef arrive. Un regard à mon chien , un regard vers moi, un regard blasé à son collègue :
— Bah oui, bien sûr qu’elle peut entrer. C’est un chien d’assistance.
Le silence. L’agent me regarde avec des yeux d’enfant pris la main dans le pot de confiture. Moi ? Je souris. Et je passe la porte comme une reine, avec mon toutou en héros poilu à mes côtés.🐾
Anecdote : la maladie du handicap… apparemment contagieuse !
Un jour, à une époque où je n’avais pas encore rencontré mon prince charmant, je fréquentais les sites de rencontres.
Après quelques échanges bienveillants et rigolos avec un gars, je décide de jouer carte sur table :
— Au fait, je suis en fauteuil roulant. Ça ne change rien à qui je suis, mais je préfère te le dire.
Sa réponse ?
— Ah désolé, je peux plus discuter avec toi. J’ai peur d’attraper ce que t’as.
…
Voilà. Contagieux, le handicap. Breaking news : on m’avait pas prévenue.😂
J’aurais peut-être dû lui conseiller un vaccin contre la connerie. Mais bon, encore faut-il qu’il existe.
Un humour de survie
Rire, ce n’est pas nier la difficulté. C’est s’autoriser un espace où l’on reprend le contrôle, même brièvement. Parce qu’à force d’être infantilisée ou carrément ignorée, il faut bien trouver un moyen de ne pas devenir folle.
Et l’humour, c’est magique. Ça crée un pont. Parfois, une vanne bien placée permet de désamorcer les situations les plus gênantes. Ça remet les pendules à l’heure avec le sourire.
Un super-pouvoir social
Ce que les gens ne savent pas toujours, c’est que l’humour, dans le monde du handicap, c’est souvent un code de survie interne. Entre personnes concernées, on se comprend, on rigole (parfois noir, très noir), on dédramatise.
Parce que franchement… on a tous un pote qui a confondu rampe d’accès et toboggan, ou qui s’est pris une porte automatique dans la tête parce qu’elle ne l’a pas détecté.
Et quand on est fatigué, malmené par la douleur ou l’incompréhension, il reste au moins une chose à laquelle on peut s’accrocher : une bonne blague, un fou rire partagé, ou une blague absurde sur la galère de garer un fauteuil dans un bus bondé.
Rire, ce n’est pas nier
Attention, rire n’efface pas les injustices. Ce n’est pas une baguette magique qui rend les lieux accessibles, les démarches simples ou les regards respectueux.
Mais c’est une arme douce et puissante. Une manière de dire : je suis là, je vis, je pense, je ressens… et je suis plus qu’un fauteuil ou une étiquette.
Et si vous entendez quelqu’un faire une vanne sur son propre handicap, avant de grimacer : détendez-vous. C’est peut-être sa façon de respirer un peu plus librement, dans un monde pas toujours fait pour lui.
Parce qu’en fait, c’est ça, le pouvoir de l’humour : c’est la liberté. Celle d’exister autrement. D’être un peu irrévérencieuse, carrément vivante, et délicieusement insupportable aux yeux de ceux qui veulent nous voir comme de pauvres petites choses.