Guerre en cuisine : chronique d’un repas (presque) ordinaire avec une IMC

 

Tu vois, dans ma vie, chaque repas est une sorte de film d’action. Mais pas le genre où Vin Diesel saute d’une voiture en feu. Non, non. Moi, mon grand combat quotidien, c’est la nourriture.
Et laisse-moi te dire une chose : les spaghettis, c’est mes ennemis jurés.

Tout commence pourtant bien : une belle assiette, une fourchette, un peu d’espoir. Et puis vient l’attaque sournoise : une simple bouchée se transforme en duel à mort. Les spaghettis décident de faire de la résistance, de s’unir, de s’enrouler autour de la fourchette comme s’ils allaient coopérer… jusqu’à ce qu’ils sautent traîtreusement sur mon menton ou, mieux, sur mon t-shirt. Coucou la sauce tomate, adieu la dignité.

Mais attention, les pâtes ne sont qu’un échauffement. Il y a aussi le verre trop lourd, le perfide. Tu sais, ce moment où tu veux simplement boire… et que tu te retrouves à faire une jolie cascade, version eau minérale en plein sur ton t-shirt tout propre (celui que tu as mis exprès parce que tu avais des invités). Résultat : une tache, un soupir, et un air faussement détaché genre "ah mais c’est tendance maintenant, les gens paient pour des vêtements effet mouillé, non ?"

Et puis il y a la viande. Cette traîtresse. Elle est là, sur ton assiette, bien installée, genre paisible. Tu prends ton couteau, tu veux couper comme tout le monde, mais elle fait de la résistance passive. Elle glisse, elle fuit, elle se met à tourner comme une toupie, pendant que toi tu essaies de maintenir l’assiette stable et que ta main tremble ou se crispe parce que ton cerveau a décidé que c’était plus rigolo comme ça.

Et parfois, dans un élan de désespoir, tu demandes de l’aide. Et là, on te dit :
"Attends, je te la coupe en petits morceaux comme pour les enfants."
Ah. Merci. C’est sympa. Tu veux aussi me donner l’avion avec la cuillère ou on en reste là ?

Et là, pendant que je m’évertue à survivre à mes pâtes, il y a deux êtres humains hilares en face de moi: mon conjoint, qui commente avec une fausse solennité «Encore un plat tombé au champ d’honneur. J’vais finir par t’acheter un bavoir », et ma fille, qui en rajoute avec un éclat de rire bien senti quand une goutte de sauce atterrit pile sur mon nez. Leur complicité moqueuse est à la fois attendrissante et légèrement suspecte.

Le pire traître dans l’histoire ? Le chien. Mon fidèle compagnon à quatre pattes, allongé sous la table, prêt à bondir à la moindre chute de nourriture. Lui, c’est l’arbitre silencieux de cette bataille culinaire. Il ne juge pas. Il attend. Stoïque. Stratège. Affamé.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas bien l’infirmité motrice cérébrale (IMC), il s’agit d’un trouble moteur causé par une lésion cérébrale survenue à la naissance (en tout cas, me concernant : naissance prématurée) Elle peut affecter la coordination des mouvements, la posture ou encore la motricité fine… ce qui rend des gestes simples du quotidien parfois aussi complexes qu’un jeu de mikado pendant tremblement de terre. Et notamment… manger proprement !

D’ailleurs, petite anecdote croustillante (c’est le cas de le dire) : lors de mon tout premier rendez-vous galant avec celui qui partage aujourd’hui ma vie, je savais qu’il adorait les éclairs au chocolat. Alors j’ai voulu marquer le coup : je suis arrivée au rendez-vous avec une boîte d’éclairs à la main. Classe, non ?

Sauf que… le rendez-vous avait lieu dans un parc. Sur un banc. Sans assiette. Ni serviette. Et moi, je savais déjà que cette dégustation allait virer au sketch.
Mais j’ai tenté quand même. Je me suis battue avec cette pâtisserie comme si c’était un test de survie. Le chocolat m’en a mis plein les doigts, la crème a tenté une évasion et ma dignité est restée coincée dans la boîte.
Mais… il ne s’est pas enfui. Au contraire, on a bien rigolé tous les deux. Comme quoi, la guerre avec la nourriture peut aussi être diablement sexy.

Bon. Malgré la tache de sauce, l’eau sur le pantalon et le poulet qui s’est fait la malle, je gagne souvent la bataille. Peut-être pas toujours avec élégance, ni avec un t-shirt propre et sec, mais avec humour et une petite fierté intérieure. Parce que, mine de rien, chaque repas, c’est aussi une leçon de patience, de créativité… et de lâcher prise.

Et parfois, le bonheur, c’est juste d’avoir réussi à finir son assiette sans trop de dégâts… même si la nappe, elle, n’a pas survécu.

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